
Pierres Tombales exposées dans la CASE NOIRE ou Pavillon des Younyonsé Vivants parmi les morts, morts parmi les vivants
Nous adressons nos remerciements à tous ceux qui, non sans coûts, non sans risques, non sans difficultés, dans l’abnégation, la persévérance, et même dans l’anonymat, nous ont apporté, nous apportent, ou nous apporteront, leur concours, afin que, pour la connaissance de l’homme, et son cheminement, nous fassions parler, la pierre, le silence, et la mort.
(Maître Titinga Frédéric PACERE)
Le Cimetière de ces Pierres Tombales genre de stèles funéraires à type particulier et ancien, occupe une place importante de la CASE NOIRE ou Pavillon des Younyonsé du Musée de la Bendrologie à Manéga ; une soixantaine de Pierres y trône sous le regard profond des âges d’une trentaine de Masques Sacrés et objets de rites, le tout relevant d’une de l’antique et Mystique civilisation millénaire des Younyonsé.
La Case Noire, ouverte au public en mars 1995 est l’une des plus grandes attractions et vénérations du Musée de la Bendrologie.
INTRODUCTION
C’est un trésor de premier ordre, que constituera pour le Burkina, dans la connaissance de son histoire et peut être même, celle de l'Afrique et du monde, une étude approfondie et des exploitations savamment opérées de ce qui est appelé dans le milieu profond et réservé des MOSSE, les "YA-KOUGA" (1), "Pierres des Tombes" ou "Pierres Tombales".
Il est singulier qu’à ce jour, à notre connaissance, malgré un tourisme déprédateur qui fouine, exhume et exporte, malgré une science des hommes dont les racines ouvrent régulièrement la terre, aucun écrit n’ait encore porté sur ce qui, en définitive était un havre de Culture et de Secrets, mais exposé jusque il y a un siècle encore certes, à tous les vents et intempéries.
C’est une bouteille que nous jetons à la mer, pour une conjugaison de toutes les intelligences et travaux, afin de sauver et interprèter un mystère que fige la pierre.
Est-ce une illusion ou un trésor ?
Mais le terme de nos propres et simples observations immédiates interpelle Gouvernants, Universités, Institutions Nationales et Internationales, Archéologues, Hommes de Culture, Anciens des vies ancestrales, pour la connaissance d'une pierre, balise du sommeil éternel d’hommes ayant mérité de leur peuple, pour ne pouvoir être autre chose, que le sanctuaire de leur époque et donc, une pierre angulaire de l’histoire.
Dès les premières années de mes recherches sur la Culture des Mossé, je rencontrai, plusieurs heures durant un Ting-Soaba (2), responsable coutumier, maître de la spiritualité des Younyonsé (3) ; me parlant de l’inhumation des Tinguin-Biissi (4), il me signala qu'après avoir refermé la tombe, on posait dessus pour identification un YA-KOUGRI (1) ; je n’attachai aucune importance à cette assertion.
Une dizaine d’années plus tard, relisant mes notes, je m’aperçus d'une singularité ; l’ancien m’avait en effet dit qu’après avoir refermé la tombe, on posait dessus le YA-KOUGRI (1) ou Pierre tombale ; or, dans la logique que je connaissais de nos civilisations Africaines ou Occidentales, c’est la Pierre Tombale qui sert à fermer la tombe ; dans le milieu particulier ici des Mossé (5), il s’agit d'une Pierre taillée dans la journée, qui sert simplement de couvercle à la tombe (6). Elle est plate en granit ou en pierre désagrégée ; elle es.t utilisée pour couvrir l’ouverture de la tombe et est hermétiquement fixée à celle-ci par un mortier de boue et de paille.
C’est elle donc qui ferme la tombe ; on ne comprend pas qu’après fermeture on la pose dessus, à moins qu’il n’y ait deux (2) types différents de pierres tombales à fonctions différentes, ou que la pierre tombale reçoive dans ce milieu une autre définition.
Je demandai à ce que me soit retrouvé l’ancien, pour m’éclairer sur ce qui au départ, n'était qu’anodin et avait échappé à mon intérêt ; je devais apprendre que le-dit ancien était mort, il y a de cela plusieurs années et peu après notre rencontre.
La curiosité me poussa à orienter désormais mes recherches vers le domaine funéraire ; je devais me heurter à un mystère qui continue de s’épaissir au fur et à mesure des enquêtes, devant un mutisme qui n’a pas encore fini d’être déchiffré ; les anciens ne s’ouvrent pas sur le secret des pierres ; je dus assister à plusieurs rites funéraires, visiter des cimétières où reposent des dignitaires, des responsables octogénaires ou centenaires, relevant de plusieurs groupes sociaux. Enfin, une nuit, il me fut remis par un ancien, un YA-KOUGRI (Pierre Tombale). C’est plus tard, aux termes d’enquêtes, que je compris la grandeur inestimable mais aussi la détresse actuelle de ces Pierres qui expliquent leur inhumation dans l'Histoire après celle des êtres qu’au dessus de la terre, ils symbolisaient dans des temps, et pendant des temps souvent immémoriaux, et dans l’espace.
Une tentative de retrouver l’origine ou les origines me hanta des mois durant.
CLASSIFICATION ET SIGNES DES PIERRES YA-KOUGA
Il est difficile de proposer une classification univoque, parce que chacune des pierres repose dans sa confection sur plusieurs principes qui ne se recoupent pas toujours ; il est mieux que chaque pierre soit considérée comme pièce unique et étudiée comme telle, pour garder et traduire tous les éléments de la culture qu’elle suppose ; les stéreotypes présupposés détruisent la connaissance ; néanmoins, des indications peuvent être envisagées.
Les YA-KOUG-TOORE ou Pierres Tombales à Mortier
Ce que nous appelons ici YA-KOUG-TOORE sont des Pierres Tombales avec symbolisme d'un mortier.
Le "TOORE" est le mortier utilisé par les ménages pour piler dans le cadre des activités de cuisine ; sa forme rappelle deux triangles isocèles d’inégale valeur, cellés à leur sommet, l’un reposant sur le sol par sa base, la base de l’autre tournée vers le ciel ; le triangle reposant sur le sol est plus applati et plus petit ; dans les schématisations, le Tooré (mortier) est représenté par le seul triangle dont la base (l’ouverture du mortier pour le ‘’pilage’’) est tournée vers le ciel et la pointe vers la terre.
Le mortier est l’un des plus grands instruments et symboles du Bougo (9) (Région du Yatenga) ou Baga (Région centrale et Sud) qui l’utilise dans ses rites, il constitue son trône ; le Bougo est l’un des conseillers spirituels, l'un des prêtres les plus écoutés de toute l’histoire des Mossé (10) ; il est considéré comme un "Tinguin-Biga ou Fils de la Terre" (11) ; notons que ce sont les Bougo qui ont fixé l’implantation actuelle de Ouahigouya pour Naba-Kango en tenant compte de l’équilibre de l'Empire ; la capitale Centrale, Ouagadougou est ainsi à 181 km de Tenkodogo (1ère étape, capitale Sud) et 183 km de Ouahigouya (Capitale Nord, dernière étape), en tenant compte des raisons économique, politique et culturelle.
On constate que certaines pierres sont surmontées d'un triangle isocèle ; celui-ci repose soit sur la tête en pierre taillée du défunt, soit sur le support contre lequel celle-ci s’adosse (Zandaogo, voir plus loin) ; dans cette éventualité, le dignitaire représenté par la pierre est un BOUGO, grand dignitaire des spiritualités, témoin des temps, conseiller des pouvoir et détenteur de pouvoirs lui-même.
Les YA-KOUGA ZANDAOGO (ou Pierre Tombale à Colonnes)
Ce que nous appelons ici YA-KOUGA ZANDAOGO ou Pierres Tombales à colonnes, sont identifiables par le fait que la figure représentant la tête du défunt est adossée à une colonne, appelée Zandaogo (12), pilier en bois souvent sculpté soutenant un hangard.
Dans les habitudes des anciens, les dignitaires, s'adossaient à un pilier en bois qui rappelle de nos jours, le dos des chaises ; ces colonnes sont règlementées par des rites, quant à leur confection ; elles peuvent être savamment décorées, et cacher une partie de la tête de la personne.
La présence du Zandaogo sur la pierre suppose que le dignitaire a atteint un âge très avancé.
La matérialisation du siège par une colonne laisse supposer qu'il n’y a pas de trône comme institution ; les pierres tombales en question ici, ne concernent pas les Mossé, détenteurs quasi exclusifs du pouvoir politique, mais les Tinguin-Bissi (fils de la terre) à pouvoir surtout de spiritualité.
LES YAKOUG-BELLE (ou Pierres Tombales Nues)
Ce que nous appelons ici YAKOUG-BELLE (13) ou Pierres Tombales Nues se reconnaissent par leur simplicité.
La tête ne porte pas de signe particulier et est nue ; pas de bonnet, pas de mortier.
Il n'existe pas d’appui pour le corps (Zandaogo ou Colonne). Notons qu'il y avait une coiffure spéciale des cheveux pour les dignitaires de certaines régions et à certaines époques ; on rase la tête en laissant une touffe de cheveux au front ou en n’importe quel lieu de la tête ; la crête pointue qu’on retrouve sur la tête de certaines pierres est la représentation de cette forme de coiffure des cheveux.
Les YAKOUG-BELLE supposent que la personne intéressée a règné jeune ; il n’a pas eu le temps de vieillir et s’imposer autrement dans le milieu social ; il aura quand même apporté le bonheur au peuple, sinon on ne ferait pas surplomber sa tombe d’une pierre.
AUTRES SIGNES PARTICULIERS
Les Cicatrices Raciales
Les quatre vingt dix pour cent des YAKOUGA portent au visage les signes caractéristiques des Mossé, les cicatrices raciales. II s’agit dans les lignes générales de trois traits parallèles (rarement deux) partant du front et allant jusqu'au menton en passant par les tempes et les joues. Un autre trait oblique peut s’ajouter au milieu du visage sous l’oeil jusqu’à la joue.
Comme nous l’avons dit, leur port est obligatoire dans certaines sociétés intégrées des Mossé (autochtones et conquérants) pour être le signe du responsable ou la marque de la citoyenneté ; les pierres tombales peuvent comporter d’autres formes de cicatrices.
Il s’agit tout d’abord de 3 traits sur le front ; dans plusieurs milieux, c’est un signe de parenté avec les Nakombsé (Mossé purs) qui confirment que les cicatrices générales dont nous avons fait état ne supposent pas que le titulaire est Moaga, mais bel et bien un Tinguin-Biiga (Fils de la Terre) ; c’est le cas par exemple si la mère de l’intéressé est une princesse des Mossés purs.
Il s’agit aussi des signes appelés ‘’NANGUIN BELOGO’’ (14). Le Nanguin Belogo est une sorte de mille-pattes ;
Le signe de ce mille-pattes (pour accroître traditionnellement la beauté du visage ou du torse) est constitué par des traits obliques parallèles et rapprochés, généralement encadrés par deux lignes parallèles.
Le signe du Mille-Pattes est utilisé dans certains milieux sur une personne dont les parents ont connu une succession grave de décès des enfants qui ont précédé ; c’est pour conjurer le sort ; souvent c’est l’oreille qu'on coupe dans sa partie inférieure pour reconnaitre les enfants génies qui meurent et reviennent pour faire souffrir leurs parents.
On notera qu’il peut y avoir cumul des signes sur la pierre tombale qui permet de retracer la vie du défunt.
Le Port du Bonnet
La tête du défunt taillée dans la Pierre peut être dominée par une sorte d’envoloppe surmontée de boursoufflures ; c’est le signe des bonnets du ‘’RAG-NOR-SOAB’’ chef de Porte ou responsable de lignée ; le bonnet dans la vie réelle était en cotonnade et se terminait par des poches ou des pointes sur les côtés et le sommet.
Le Signe des Jumeaux
Dans la culture des Mossé, les jumeaux constituent une personne unique ; s’il s’agit de deux filles, elles auront un seul homme pour époux ; dans le contexte des ‘’Fils de la Terre’’ où le Chef est le doyen d’âge, si la responsabilité les atteint et si l’aîné règne (15), on attendra le règne du second jumeau ; à sa mort, on l’enterrera à côté de son frère ; on confectionnera, une seule pierre mais à deux visages qu'on implantera entre les deux tombes ; dans ce contexte des Younyossé, une femme peut assurer l’intérim, c’est-à-dire dès lors, règner ; son corps sera sollicité auprès de la famille de son époux pour être inhumé au village parental.
On peut voir ainsi (rare) une pierre à double facette comportant un visage de femme (identifiable par la coiffure ‘’Giemgongo’’, ostensible au dessus de la tête) et un visage d’homme.
Tous les signes des pierres peuvent cumuler, compte tenu du physique de la personne, de son origine et de sa mission dans la société.
INTERETS, DISPARITION ET SAUVEGARDE DES YA-KOUGA
Intérêts des YA-KOUGA
Les YA-KOUGA constituent à notre sens, les plus anciennes et belles pièces de l'Art du Burkina, vu sous l’angle profane, ou sacré en tant que révélateur de profondeurs de la vie culturelle et sociale.
Le Burkina par elles, relevera du groupe des pays africains disposant dans leur patrimoine, des statues et statuettes anciennes en pierre sculptée, dont les plus célèbres de nos jours sont :
- Les Matadi (Ba-Kongo, de l'Angola, du Congo et du Zaire) ;
- Les Taha Wan et Monan (Côte d'Ivoire) ;
- Les Pomta des Kissi (Guinée Conakry) ;
- Les Figurines commémoratives des Ekoï (Nigéria)
- Les Nomoli des Mendi (Sierra-Léone).
Les pierres tombales sont des musées, des archives pour la connaissance de la vie des peuples concernés ; chaque élément est un domaine sacré de la vie, dont la reconstitution est désormais possible. Leur collecte integrale dans un milieu déterminé, leur datation et leur interprétation, restitueront à l'histoire une vérité indiscutée. L’organisation sociale politique, les éléments culturels, les moeurs, les coiffures se revèlent dans la pierre, à chaque stade de grandes mutations. C’est une écriture portée par un inaltérable destin, qui sera d'un secours s’il en était besoin ; à la littérature orale, dont des limites inventées, sont souvent décriées. A cela s’ajoute le creuset culturel, les canons artistiques qui peuvent fonder des Ecoles de l'Art.
Disparition des YA-KOUGA
Les YA-KOUGA étaient des morts, vivant parmi les vivants ; ils indiquaient aux vivants, où étaient les morts ; parce que les morts constituaient la vie des vivants ; j’ai expliqué, dans mon ouvrage "AINSI ON A ASSASSINE TOUS LES MOSSE" (16), l’importance des morts dans la vie des Mossé et dès lors, l’importance des tombes. La résistance des Mossé à la colonisation et à la vie coloniale était dictée par l’esprit des pères, c’est-à-dire, les morts.
Citons un élément significatif pour compréhensions.
Une des prescriptions de l'époque des coutumes, imposait selon des Anciens, l’immolation de 333 boeufs sur 333 tombes, avec 333 couteaux différents ; tant que les Mossé vivaient avec leurs morts, ils n’avaient pas peur de la mort et rejetaient toujours la colonisation entrée en 1896 sur leur territoire avec ses nouvelles spiritualités.
La colonisation dès lors décida de supprimer toutes les tombes, pour que les hommes perdent les liens avec les ancêtres qui semblent les téléguider.
Ainsi la tombe de Naba-Zombré qui fonda Ouagadougou, fut rasée, les os du dignitaire dispersés ; on construisit dessus, l'Avenue qui portera.le nom de Monseigneur THEVENOUD.
On détourna la voie ferré en provenance d'Abidjan, pour la faire passer sur la tombe de Naba-NIANFO spécialiste de la fertilité (il eut 333 femmes et 1001 enfants).
Les conséquences de cette chasse aux sorcières ne se firent pas attendre.
Un dignitaire (au sens large), mort était d’autant plus puissant pour agir sur les vivants que sa tombe était surmontée d'une pierre tombale, visible, surtout au Nord du Territoire.
Ainsi, toutes les Pierres Tombales (des milliers en provenance de plusieurs siècles ou même millénaires) disparurent intégralement en une seule année ; on raconte qu’en 1908 (année inoubliable parce qu'ayant connu la plus noire famine de l’histoire des Mossé), il n’existait plus une seule pierre visible sur les tombes ; les familles ont souvent ouvert les tombes pour y ensevelir les pierres ; certaines les ont enlever pour les détruire afin de soustraire ceux qui dorment sous terre à des viols de sépulture et même à une destruction intégrale.
Quelques rares ont été conservées par.les familles, mais leur survie n’en est pas pour autant garantie.
Les croyances du milieu furent combattues comme étant du paganisme ; on les appela en fait animisme qui n’est pas considéré comme une religion, mais comme des pratiques barbares et rétrogrades.
Il y eut une convergence de toutes lee forces nouvelles pour les combattre. Les références aux pierres tombales ou leur simple conservation dans la maison apparurent contraires aux croyances tant Chrétiennes qu'Islamiques.
Plusieurs conversions entrainèrent la destruction ou la vente des pierres tombales ; l’aspect artistique ou culturel qui aurait pu les sauver, n’emporta pas sur le manteau spirituel qu’elles recouvrent.
Il y a lieu donc de réhabiliter les pierres tombales, surtout qu’en réalité, elles participent plus de l’art, de la culture, que de la religion ; elles furent des objets de culture, non des objets de culte ; on a voulu utiliser une guerre de religions pour anéantir une culture, un art art qui peut être universel, préexixtant aux religions d’inféodations, envahissantes. Mais, la sauvegarde pose de graves impasses.
Difficultés de sauvegarde
Le sort actuel des YA-KOUGA relève d'un triste destin ; je m’en aperçus personnellement tard pour certains éléments.
Il y a quelques années de cela, un jeune homme, me proposa deux de ces pierres tombales pour achat par moi ; le père de famille venait de mourir ; le seul héritier converti à l'Islam les trouvait incompatibles dans la maison avec sa foi religieuse. Je craignis de me retrouver devant un cas de vol et de recel mais, la preuve était moralement impossible à établir, surtout compte tenu d'une certaine confiance du milieu des anciens et hommes de culture à mon endroit. On ne peut dans ce milieu d’illetrés exiger des écrits, surtout que celui qui veut s’en dessaisir invoque des raisons d’opinion qu’il ne voudra pas soutenir en public. Je me contentai de photographier ces YA-KOUGA, disant à mon interlocuteur que j’allais me donner un temps de reflexion ; quelques mois plus tard, je rencontrai cet homme chez un antiquaire ; je lui demandai s’il disposait encore de ces pierres ; il me répondit qu’il les avait vendu à un touriste Européen, à 80 fois le prix qui m'était proposé ; cela fait bien des années et personne n’a saisi un Parquet pour plainte contre X., pour vol de pierre ; c’est-à-dire que ce sont les vrais propriétaires qui, volontairement, pour des raisons fort complexes, s’en dessaisissent ; les collectionneurs nationaux (et cela est général pour nos Etats Atricains), hésitent à acquérir de tels objets aussi personnels à des familles en raison de rigueur des Lois ; le tourisme dépredateur, les musées et collectionneurs extérieurs apparaissent seuls sur le marché avec des moyens financiers énormes, sans concurrence, sans pratiquement de risques, dans un contexte où le retour des objets culturels vers leur terre d’origine, sont pour le moment, une simple vue de l’esprit.
S’agissant d’objet rares, il est certain que 1e commerce ne se fera pas sur la place du marché ; mais comment protéger et encourager les collectionneurs nationaux, les mecènes du milieu culturel qui tiennent a bloquer cette hémorragie en faisant acquisitions de ces pierres ? Ils peuvent toujours être les premiers sur le terrain, même avec des moyens dérisoires ; mais cela n’est-il pas un sérieux danger pour eux alors que la prudence entraine l’inéfficacité ?
Je demandai un jour à ce qu’on me fasse venir un Chef de famille, ou que la décision de dessaisissement de la pierre soit prise par un conseil de famille ; je n’eus plus de suite ; la pierre a été vendue aussi, à un touriste étranger, dans nos Etats où il est impossible avec nos moyens modestes, d’assurer un contrôle absolu de nos frontières surtout terrestres ; comment mettre en confiance les collectionneurs nationaux face au pillage discret et organisé de ces objets d’art, de culture des plus rares et même face aux propriétaires qui, pour multiples s’en dessaisissent dans le silence et la discrétion des cases et des enclos ? Le problème de la survie des pierres et dans leur propre pays, est fort complexe.
CONCLUSION
II n'est pas bon, ni logique, selon un dicton du milieu des Pierres Tombales, qu’un homme dorme à côté d'un cadavre et que d’autres hommes viennent pleurer avant lui.
Depuis plus d’une dizaine d’années, des anciens m’ont demandé de garder encore le silence sur ce qu’il y a de plus secret et qui entoure le mystère des Pierres Tombales.
Mais notre histoire se précipite ; les pierres tombales sont aujourd’hui l’objet de tentatives de pillage ou de pillages vers l’Occident pour des raisons que nous-mêmes ne maîtrisons pas encore, semblant transcender l'hémorragie traditionnelle des oeuvres d’art du Continent. Le mensonge qui dévance sur un sentier, peut perdre le sentier lui même et ceux qui l’empruntent, dont la vérité historique ; c’est pour cela, et nous l’avons écrit dès l’introduction, que nous avons décidé de jeter cette bouteille à la mer, mais aussi sur la terre, pour la connaissance, la sauvegarde et l'étude de ces illustres inconnues qui renferment des Patrimoines Culturels.
Les Yakouga relèvent des secrets de l’intimité et de la grandeurs des hommes ; traduisant dans la pierre, ils constituent un défi de l’homme au temps et aux intempéries, pour une présence éternelle du passé dans le présent, du présent dans l’avenir, du centre même des cavernes dans la périphérie nucléaire, sidérale ou des systèmes, pour que l’homme d'aujourd’hui est aussi d'hier et qu’il a le devoir d’être celui de demain, avec des valeurs que ne peut ou ne doit altérer le temps.
NOTES
1- YA-KOUGA (YA-KUGA) ; en Mooré langue des Mossé on dit YA-KOUGRI (YA-KUGRI) au singulier et YA-KOUGA (YA-KUGA) au pluriel.
Les Mossé (Moose) estimés à 4 millions d’âmes avec la diaspora, occupent le plateau central du Burkina ; mais de fortes colonies sont implantées actuellement en Côte d'Ivoire, au Togo au Gabon. Au singulier MOAGA (MOAAGA). Le présent document étant en langue frangaise, nous écrivons les mots Mooré pour consonnance se rapprochant le plus possible du Mooré ; la transcription en Mooré sera entre parenthèse en tant que de besoin ; pour l’origine et l’histoire des Mossé, le lecteur voudra bien se rapporter à notre ouvrage "AINSI ON A ASSASSINE TOUS LES MOSSE" ED. NAAMAN, Québec, CANADA.
Le nom YA-KOUGA (YA-KUGA), ou pierres tombales, vient par contraction de YAOG-KOUGA (YAOOG-KUGA) ; YAOGO (YAOOGO) c’est la tombe donnant au pluriel YAADO (YAADO) ou cimetière ; KOUGRI (KUGRI) c’est la pierre la roche, donnant au pluriel KOUGA (KUGA).
2-3-4- TING-SOBA (TENG-SOBA) ou Chef de Terre ; il s’agit des Chefs des Fils de la Terre tels que les YOUNYONSE (YUYOOSE) ; c’est au Xème siècle que les Mossé dits purs sont arrivés sur leur territoire actuel en provenance du Sud ; ceux qu'ils ont colonisés à leur passage sont appelés ‘’TINGUIN-BIISSI’’ (TENGEN-BIISI) ou ‘’Fils de la Terre’’ et parce que les Mossé les ont trouvés déjà sur la terre avant eux. ‘’Le TENG-SOBA’’ (TENG-SOBA) ou ‘’propriétaire du sol’’ ou ‘’maître du sol’’ est une appellation consacrée pour désigner l'aîné du groupe de ces fils de la terre ; le pouvoir politique étant aux mains des conquérents (Mossé purs), le Chef des "Fils de la Terre" ou ‘’Chef de Terre’’ n’a pas de pouvoir politique (sous réserves de certaines zones éloignées du pouvoir central), mais est maître d’une puissante spiritualité du milieu qui commande la terre et les saisons ; ils auraient la possibilité de se transformer en vent, en tempête, d’où le nom de famille le plus répandu dans ce milieu, SAWADOGO, (Nuage de pluie qui annonce des vents, des bourrasques, des tornades).
5- MOSSE (MOOSE) est entendu ici au sens large, c’est-à-dire Mossé purs, ceux venus de Gambaga au 10ème siècle, et ceux colonisés par eux aujourd’hui intégrés.
Dans la vie courante, il s’agit désormais d'un même peuple, mais dans les moeurs et la Culture, il est nécessaire de maintenir la différenciation d’origine pour comprendre.
6- La Tombe ici en question est le YA-BOULGA (YA-BULGA) ; de YAOGO (YAOOGO) signifiant tombe, tombeau et de BOULGA (BULGA) signifiant puits ; c’est une tombe pour les dignitaires et toutes personnes (homme ou femme) d'un certain âge ayant mérité du peuple ; sa confection prend au minimum 24 heures de travail continu. C’est une oeuvre d’art et d'architecture sur un terrain dur. On creuse en tenant compte de la forme (grosseur, taille) du défunt et du LAAHDA (croque mort qui doit recevoir la mort, couché déjà lui dans la tombe une fois achevée).
Le YA-BOULGA (ou tombeau-puits) est en forme de ‘’L’’ ; on creuse d’abord un puits (entre 1 m à 2 mètres) ; puis au fond de ce puits on fore horizontalement vers le Nord ou vers le Sud entre 2 à 3 mètres pour la couchette du mort ; les dimensions sont calculées les plus petites possibles pour éviter l’éboulement ; le croquemort couché déjà lui-même reçoit le corps, roule sur lui, le couche bien conformément aux rites ; dispose ensuite tous les éléments nécessaires au défunt pour la vie de l’au-delà, avant de ressortir. Une couvercle taillée dans une roche ferme hermétiquement l’orifice par une construction ; le tombeau-puits est fait pour que même l’eau de pluie ne puisse y entrer afin que le défunt soit libre de ses mouvements. Des décennies voire des siècles plus tard, on peut retrouver intacts plusieurs élém ents (en pierre, métal, etc.) déposés.
7- Nous ne parlons pas des effigies des NABA, en bronze conservées dans le Oubri-Tinga et qui ne concernent pas les rites funéraires des tombes ; le Moro-Naba, c’est l’empereur des Moosé mais, l’organisation du pouvoir est complexe ; voir notre ouvrage "AINSI ON A ASSASSINE TOUS LES MOSSE" ED. NAAMAN, QUEBEC, CANADA.
8- Sur nos connaissances en matière de roches, nous adressons nos sincères remerciements dans le cadre de notre présent travail, au BUREAU DES MINES ET DE LA GEOLOGIE DU BURKINA (BUMIGEB), au BUREAU DE RECHERCHE GEOLOGIQUES ET MINIERES (BRGM) qui, gracieusement, nous ont remis plusieurs roches déposées présentement au Musée de la Termitière que nous avons construit à Manéga ; ces organismes nous ont remis une documentation pour nous f ormer, nous familiariser à la connaissance des roches du Burkina et de l’Afrique.
Nos remerciements au Professeur OUIMINGA Urbain de l'Université de Ouagadougou, spécialiste des roches ; une soixantaine de roches du Burkina de notre Musée de la Termitière à MANEGA sont un cadeau personnel de cet enseignant, collectionnées pour nous au fur et à mesure de ses tournée à travers le Burkina. La présente livraison technique sur la nature des roches ayant servi à la confection des YA-KOUGA est réalisée par nous avec son éminent concours et sa totale disponibilité ; il a modifié ses programmes sur notre sollicitation pour être avec nous sur ces pierres de la mort qui continuent de sentir la mort.
A un moment où notre souci sincère, notre détermination absolue de faire parler le silence et le temps, a rencontré souvent de graves incompréhensions, qui nous ont inquiété et quelque peu refroidi dans nos ardeurs, nous voulons adresser à toutes les bonnes volontés, personnes physiques ou morales, du pays et de par le monde qui nous ont apporté leur concours et manifesté leur disponibilité, nos sincères remerciements ; je leur dois à tous et pour tous, le courage du travail.
9- BOUGO (BUGO) ou BAGA ; c’est un conseiller politique, spirituel ; c’est un prêtre, un devin ; dans ses rites accompagnant le mortier, est une tunique spéciale incrustée de 6000 (six mille) cauris ; sa tête est surplombée d'une tête d'oiseau également décorée KOULSOUGA (KULSUUGA) ou KOULSAONGO (KULSONGO) ; voir notre œuvre bilingue "BENDR N GOMDE, PAROLE ET POESIE DU TAM-TAM" pour les devises et attributs de ce dignitaire.
10-11- Voir notes 2, 3, 4 ; les Mossé (MOOSE), improprement appelés MOSSI sont le peuple de conquérants venu de Gambaga au Sud de leur terre d’occupation actuelle, au Xème siècle ; ceux qui occupaient le sol à leur arrivée ont été appelés ‘’TINGUIN-BIISSI’’ TENGEN-BIISI ou ‘’Fils de la Terre’’ ; au singulier on dit TINGUIN BIIGA (TENGEN-BIIGA). Les plus nombreux de ceux-ci sont les YOUNYONSE (YUYOOSE) ; au singulier on dit YOUNYOAAGA (YUYOAAGA).
12- ZANDAOGO (ZANDAOOGO), de ZANDE, c’est-à-dire ‘’Hangar’’ et de DAOGO (DAOOGO) qui signifie "Bois" ; ce sont les piliers en bois, fixés dans le sol, qui soutiennent le hangard ; pour . les dignitaires, leur confection relève de rites reservés à des familles.
Ils sont souvent sculptés dans du bois dur qui résiste aux termites ; on aime reproduire souvent l’homme et la femme et des signes spécifiques à chacun d’eux.
13- YA-KOUG BEELLE (YA-KUG BEELE) ; BEELLE (BEELE) signifie "NU" ; les pierres tombales ici sont phypiquement simples ; la tête n’est pas surmontée d’un mortier ou ne s’adosse pas à une colonne ; mais elle peut porter un bonnet ; elle peut être nue, ou surmontée de la touffe de cheveux tel que developpé dans le texte.
14- NANGUIM-BELOGO (NANGE-BELOGO) ; genre de mille-pattes assez courant chez les MOSSE (MOOSE).
15- Dans la tradition des MOSSE (MOOSE), l’aîné des jumeaux est celui sorti le dernier à l’accouchement ; on dit qu’il envoie d’abord le plus jeune au dehors s’enquérir des nouvelles avant de sortir ; c’est donc cet aîné au sens de la coutume qui est le premier à régner.
16- Maître Titinga Frédéric PACERE "AINSI ON A ASSASSINE TOUS LES MOSSE" ED. NAAMAN, QUEBEC, Canada ; Première Edition 1979.
Pour plus de détails sur les travaux de Maître PACERE relatifs aux YAKOUGA, voir l'ouvrage "Les YAKOUGA ou Pierres tombales du Burkina Faso" paru dans la collection "Le Musée expliqué".